dimanche 22 avril 2018

Le Procès de Rogue - CHAPITRE VIII : SEVERUS ROGUE, LE HÉROS

Consulter les chapitres précédents : Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V - Chapitre VI - Chapitre VII

Le Procès de Rogue

Bien entendu, j’ai gardé la meilleure part de Severus Rogue pour la fin. Qu’on puisse encore contester que ce personnage soit un héros et un homme courageux relève pour moi de l’aberration la plus absurde. Avant d’essayer de convaincre les plus récalcitrants, mettons-nous d’accord sur les définitions. Oui, j’ai ressorti mon dico qui a 30 ans.

« Héros, nom masculin.
1- Personnage légendaire auquel on prête un courage et des exploits remarquables.
2- Celui qui se distingue par ses exploits ou un courage extraordinaire (dans le domaine des armes).
3- Tout homme digne de l’estime publique, de la gloire par sa force de caractère.
4- Personnage principal d’une oeuvre littéraire, dramatique, cinématographique. 
Courage, nom masculin.

1- Force morale, disposition du coeur.

2- Ardeur, énergie dans une entreprise.
3- Fermeté devant le danger, la souffrance.


4- La volonté plus ou moins cruelle, la dureté
(comme dans « le courage d’abandonner ses enfants »). 
Courageux, adjectif.
Qui a du courage, agit malgré le danger ou la peur. 
Anti-héros, nom masculin.
Personnage n’ayant aucune des caractéristiques du héros traditionnel. »

Si Rogue n’a pas encore accédé au statut de personnage légendaire et que le fait qu’il soit digne de l’estime publique ou non est tout l’objet de cette démonstration, on peut au moins admettre qu’il correspond à la deuxième définition du mot héros. Les définitions 2, 3 et 4 du mot courage, de même que la définition du mot courageux, sont l’essence même de ce qu’a fait Rogue tout au long de la deuxième partie de sa vie. On ne peut pas nier qu’il ait jouer un rôle déterminant dans la guerre, qu’il a accompli des exploits que seul lui pouvait accomplir et qu’il est toujours celui qui a agit même face à la peur ou au danger (contrairement à d’autres). Je vais revenir en détails sur tout ça dans les paragraphes suivants, mais avant ça, j’aimerais revenir sur le qualificatif de « anti-héros » qu’on emploie souvent - y compris J.K. Rowling, si je ne m’abuse - pour désigner Rogue, comme une sorte de compromis. Si on accepte que Rogue est un personnage qui fait preuve de fermeté et d’ardeur face une tâche, fusse-t-elle dangereuse ou douloureuse, et qu’il s’est distingué grâce à des exploits, notamment dans le domaine des armes, on ne peut pas dire qu’il n’a aucune caractéristiques du héros traditionnel. Il est même plus proche de toutes les avoir, y compris si on se rapporte à la quatrième définition du mot héros. Rassure-toi, je ne suis pas tombée sur la tête et j’ai bien conscience qu’on parle toujours d’une saga dont les titres des sept tomes commencent par « Harry Potter ». Cependant, au cours de ces mêmes sept livres, neuf intitulés de chapitre se rapportent directement au même personnage, et il ne s’agit pas de Harry Potter. Il s’agit évidemment de Severus Rogue, qui bat tout le monde à plates coutures, y compris Albus Dumbledore et Voldemort eux-même. Sans compter que Rogue est le seul - avec Sirius - à apparaître aux côtés de Harry dans le titre de l’un des bouquins. Ce qui reste anecdotique certes, mais tout de même d’importance et intéressant à souligner.

CELUI QUI SAUVE, SOIGNE ET PROTÈGE
Avoue que ce sous-titre n’est pas la première idée que tu aurais eue pour décrire Rogue ? Si je ne m’étais pas autant penchée sur son cas, je n’y aurais sans doute pas pensé non plus. Sur le wikia Harry Potter, il est dit à quelque chose de très intéressant dans l’onglet « Compétences » de la page de Severus Rogue. « Sa force réside aussi dans le fait qu’il puisse trouver la plupart des antidotes et autres contre-sorts pour guérir une personne », ce qui est on ne peut plus vrai. Poudlard est un endroit qui regorge de sorciers et sorcières plus que compétent(e)s les un(e)s que les autres. On peut citer Albus Dumbledore évidemment, Minerva McGonagall, Filius Flitwick et sans doute d’autres noms pour lesquels on ne dispose pas d’autant d’exemples de l’étendue de leurs savoirs et pouvoirs. Poudlard est aussi un lieu qui ne manque pas de professeurs et de personnes qui sont spécialisés dans les soins : Pompom Pomfresh de la manière la plus évidente, mais aussi Pomona Chourave pour les propriétés des plantes et même Rubeus Hagrid si l’on considère les blessures par créatures magiques. En bref, tout un tas de gens bien placés pour soigner et qui sont en plus bien plus prompts à aider leur prochain et à montrer de la bienveillance. Pourtant, lorsqu’il s’agit de blessures sérieuses, c’est toujours les compétences de Rogue qui font matière d’autorité, logiquement en matières de potions, un peu moins logiquement pour le reste. En témoigne le cas de Miss Teigne :

« -Nous parviendrons à la guérir, Argus, assura Dumbledore d’un ton patient. Mrs. Chourave a réussi à se procurer des plants de mandragore. Dès qu’ils auront atteint leur maturité, je m’en servirai pour fabriquer une potion qui ramènera Miss Teigne à la vie.
-Je m’en chargerai, intervient Lockhart, je l’ai fait des centaines de fois… Je suis capable de préparer un philtre régénérateur à la mandragore dans mon sommeil…
-Je vous demande pardon, coupa Rogue, mais il me semble que le maître des potions, ici, c’est moi.
Il y eut un silence gêné. » - Harry Potter et la Chambre des Secrets (Chapitre 9, « L’avertissement »).

…celui de Lupin et de la potion Tue-Loup :

« Mais je n’oublie pas que pendant l’année où j’ai enseigné à Poudlard, Severus m’a préparé chaque mois la potion Tue-Loup, d’une manière parfaite, si bien que je n’ai jamais eu à souffrir de la pleine lune comme cela m’arrive d’habitude. » - Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (Chapitre 16, « Un Noël Glacial »).

…celui de Drago Malefoy venant de se prendre un Sectumsempra :

« Écartant brutalement Harry, il s'agenouilla au-dessus de Malefoy, sortit sa baguette et la passa le long des profondes blessures que le maléfice avaient causées, marmonnant une incantation qui ressemblait presque à une chanson. Le flot de sang parut s'assécher. Rogue essuya celui qui maculait le visage de Malefoy et répéta son enchantement. Les blessures se refermaient à présent. »- Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (Chapitre 24, « Sectumsempra »).

...et même celui de Dumbledore et de sa main desséchée. Non seulement Rogue est celui qui est le plus en mesure d’aider Dumbledore mais il semble aussi en savoir plus que le directeur sur le maléfice et ses effets.

« -Vous avez très bien fait, Severus. Combien de temps me reste-t-il à votre avis ?
(…)

-Je ne saurais le dire. Peut-être un an. On ne peut arrêter indéfiniment un tel sortilège. Il finira par se répandre, c’est le genre de maléfice qui se renforce avec le temps.

(…)

-J’ai de la chance, beaucoup de chance de vous avoir, Severus.

-Si seulement vous m’aviez appelé un peu plus tôt, j’aurais pu faire davantage, vous gagner un peu plus de temps, répliqua Rogue avec colère. » - Harry Potter et les Reliques de la Mort (Chapitre 33, « Le Récit du Prince »)

Dans toutes les circonstances, Rogue paraît toujours être le plus compétent lorsqu’il s’agit de soigner. Mais il ne se contente pas de cela. Que ses détracteurs refusent de le voir ou non, il est aussi celui qui protège. En commençant par Neville lui-même, puisque j’en parlais au chapitre précédent.

« Et vous Crabbe, desserrez un peu votre prise. Si Londubat meurt étouffé, il faudra remplir tout un tas de paperasses et en plus, j'ai bien peur d'avoir à le mentionner dans vos références quand vous chercherez un emploi. » - Harry Potter et L'Ordre du Phénix (Chapitre 32, « Hors du Feu »).

On peut s’interroger sur les réelles motivations de cette intervention. Elle n’est peut-être qu’un subterfuge destiné à convaincre Ombrage qu’il est du côté des Serpentard, de la brigade inquisitoriale et donc du côté d’Ombrage elle-même. Elle peut aussi (et c’est la théorie qui me semble la plus juste), être un moyen de détourner l’attention d’Ombrage de ce que vient de raconter Harry, au sujet de Patmol et de là où la chose est cachée. Les plus septiques ne croiront pas qu’il cherche simplement à sauver la vie de Neville et pourtant, ce n’est pas la dernière fois que Rogue interviendra pour protéger Neville et tous les élèves de Poudlard. Lorsque Rogue et Dumbledore discutent du fait que, après la mort de ce dernier, Voldemort placera très certainement Rogue au poste de directeur de Poudlard, Rogue promet de « faire tout ce qui est en [son] pouvoir pour protéger les élèves ». Il n’était pas pourtant pas obligé de faire ça. Dumbledore mort, Rogue n’avait de compte à rendre à personne. S’il avait véritablement un mauvais fond, laisser souffrir quelques adolescents ne devrait pas faire une grande différence pour lui. En fait, ça renforcerait même sa couverture et ça lui éviterait de prendre des risques vis-à-vis de Voldemort. Pourtant, ce n'est pas du tout ce qu'il choisit de faire.

« Quelle punition Rogue a-t-il infligée à Ginny, Neville et Luna ? demanda Harry d'un ton pressant.
-Le professeur Rogue les a envoyés dans la Forêt interdite accomplir quelques tâches pour ce gros balourd de Hagrid.
(...)
-Rogue a peut-être pensé que c'était une punition, dit Harry, mais Ginny, Neville et Luna ont dû bien s'amuser avec Hagrid. La Forêt interdite... Ils ont vu pire ! Ce n'est pas grand chose ! » - Harry Potter et les Reliques de la Mort (Chapitre 15, « La Revanche du Gobelin »)

Rogue évite à Ginny, Neville et Luna d’être les cibles d’Endoloris, conformément à l'idée que les Carrow se font de l’heure de retenue, pour les envoyer dans la forêt interdite avec Hagrid. Mais Harry portant des oeillères très épaisses quand il s'agit de Rogue, ne pense à aucun moment que le choix de la nature de la punition ait pu être délibérée. Il préfère penser que Rogue est stupide, même si ça n'a aucun sens.
Malgré, les apparences, Severus Rogue s’est un peu fait une vocation de sauver le monde - et de se blâmer lorsqu’il n’y parvient pas.



« -Ne soyez pas choqué, Severus. Combien d’hommes et de femmes avez-vous vus mourir ?

-Récemment, seuls ceux que je n’ai pas pu sauver, dit Rogue. » - Harry Potter et les Reliques de la Mort (Chapitre 33, « Le Récit du Prince »).

Alors la prochaine fois que quelqu’un essayera de me dire que Rogue n’est pas un héros, ou qu’il ne protège que Harry et uniquement par culpabilité envers Lily, je lui fais avaler un sachet entier de pastilles de gerbe.


SEVERUS ROGUE VS SIRIUS BLACK
Note de l’auteur : ce paragraphe n’a pas envisagé ni écrit de gaité de coeur. Sirius Black est un personnage que j’aime (j’aimais ?) beaucoup et la suite ne va pas le faire apparaître sous son meilleur jour. Mes excuses post-mortem au plus cool des parrains et à sa flopée d’admirateurs et d’admiratrices. Pour ce point, je me suis particulièrement intéressée au face-à-face qui a lieu entre les deux personnages au début du chapitre 24 de Harry Potter et l’Ordre du Phénix, « Occlumancie ». Dans ce chapitre, Rogue se rend au 12 square Grimmaurd pour prévenir Harry - et Sirius - qu’il lui donnera des cours d’occlumancie dès la reprise du trimestre. Il en profite pour asticoter Sirius sur le fait que ce dernier se planque depuis six mois dans sa maison de famille. Comme Rogue ne fait jamais rien au hasard et qu’il aime bien se servir de la vérité pour faire mal, j’ai un peu cherché à savoir ce que cachait tout ça.

Fanart Rogue Sirius
© Art by Mis ?

Sirius Black est-il vraiment un lâche ? À mon grand regret, et pour la période qui va de la fin de La Coupe de Feu à… avant l’affrontement au Département des Mystères à la fin de L’Ordre du Phénix, oui. Replaçons les choses dans leur contexte. Après le retour de Voldemort et la (non-)réaction de Cornelius Fudge, Dumbledore confie une certain nombre d’instructions et de missions à toutes les personnes présentes à l’infirmerie. Voici ce qu’il demande à Sirius.

« Sirius, il faut que vous partiez immédiatement prévenir Remus Lupin, Arabella Figg, Mondingus Fletcher - tous les anciens. Restez caché chez Lupin pour le moment, je vous contacterai là-bas ». - Harry Potter et la Coupe de Feu (Chapitre 36, « À la Croisée des Chemins »)

Vraisemblablement, après s’être planqué chez Lupin, Sirius a, sous les ordres de Dumbledore, déménagé au 12 square Grimmaurd quelques semaines plus tard où… il s’est planqué. L’explication officielle tient au fait que, Sirius étant toujours considéré comme un dangereux criminel par le camp des « gentils » et ne pouvant pas utiliser sa couverture de Patmol à cause des renseignements que Pettigrow aura fournis au camp de Voldemort, il ne peut pas faire grand chose sans se mettre mortellement en danger. Sauf que, dans Harry Potter, les risques n’ont jamais arrêté personne - et certainement pas les courageux gentils. Par exemple, dans le même temps, Hagrid et Madame Maxime sont envoyés chez les géants qui sont simultanément courtisés par des Mangemorts : une mission qui est loin d’être sans danger. Sans parler du fait qu’être recherché n’empêche pas d’agir, comme le prouve Harry, Ron et Hermione dans Les Reliques de la Mort, lorsqu’ils s’introduisent au Ministère de la Magie et jusqu’au bureau d’Ombrage alors qu’ils sont probablement les trois personnes les plus traquées du monde magique. Je ne sais pas très bien ce que Sirius aurait pu faire, mais je reste persuadée qu’en modifiant un peu (ou totalement) son apparence, il aurait pu faire quelque chose de plus utile pour l’Ordre que de tenir compagnie à Kreattur et de nourrir Buck. D'autant que c'est un sorcier plutôt doué, de ce qu'on en sait. Ses pouvoirs et compétences auraient certainement été plus utiles ailleurs.
Mais, comme Dumbledore n’est pas plus idiot que moi, je suis persuadée qu’il le savait aussi. Ce qui m’amène à ma théorie sur la raison officieuse. J’ai l’intime conviction que Dumbledore a usé de chantage affectif sur Sirius Black. Celui-ci est, comme chacun le sait, le parrain de Harry Potter et ce qui ressemble le plus à un substitut de père pour ce dernier. Je pense que c’est de cette façon que Dumbledore a présenté les choses à Sirius : il ne peut pas risquer de mettre sa vie en danger parce que le perdre dévasterait Harry - ce qui est effectivement le cas. La question qui demeure est… pourquoi Sirius accepte-t-il ? Il a déjà montré par le passé qu’il était capable de prendre des risques - comme lorsqu’il s’est échappé d’Azkaban pour traquer Pettigrow jusqu’à Poudlard et il sait très bien que Harry comprendrait tout à fait qu’il mette sa vie en danger pour servir l’Ordre du Phénix. L’explication la plus logique, c’est une erreur de caractère de la part de J.K. Rowling : un mauvais choix de l’auteur qui n’a pas de sens par rapport à l’histoire ou à l’historique du personnage. Cela, je peux (et nous, moldus pouvons) l’admettre.
Rogue, lui, n’a jamais entendu parler de J.K. Rowling. Tout ce qu’il voit, c’est que tout le monde dans l’Ordre prend des risques (personnels, professionnels, mortels…) et lui en première ligne (comme on va le voir dans le paragraphe suivant) face à un Sirius qui… ne fait rien. À la place de Rogue, j’aurais sans doute un peu de mal à prendre des leçons de morale et des menaces de la part d’un homme qui n’a à priori rien fait depuis six mois - alors que tout le monde se démène pour empêcher ou retarder l'éclatement d'une guerre. Honnêtement, ça ne m’étonnerait pas que les piques lancées par Rogue dans ce début de chapitre aient déjà été pensées par d’autres membres de l’Ordre, simplement trop bien élevés et trop gentils pour le dire tout haut.

L’AGENT DOUBLE
Si je n’avais pas pris autant de plaisir à écrire les 30 pages de cette démonstration, j’aurais certainement pu faire reposer toute mon argumentation sur ce seul paragraphe. Cette partie de la personnalité de Severus Rogue invalide à mes yeux toutes les critiques à son égard. Il me semble que ceux qui le descendent sont assez prompts à oublier combien ce qu’il a fait a été à la fois déterminant et surtout dangereux. Comment peut-on sous-estimer à ce point les risques qu’il a encourus, non par par culpabilité mais parce que c’était la bonne chose à faire ? Puisque Dumbledore est le seul à connaître le rôle d’agent double de Rogue, c’est dans ce personnage qu’il faut chercher les indices de ce dont il est nécessaire de prendre conscience. Aucun autre personnage, en dehors peut-être de Harry, n’a manifesté un courage et ne s’est mis en danger à la hauteur de ce qu’a fait Rogue.

« -Severus, dit Dumbledore en se tournant vers Rogue. Vous savez ce que je dois vous demander. Si vous y êtes prêt…

-J’y suis prêt, répondit Rogue.
Il paraissait légèrement plus pâle que d’habitude et ses yeux noirs au regard glacé brillaient étrangement.

-Alors bonne chance, dit Dumbledore. 

Son visage exprimait une certaine appréhension lorsqu’il le regarda sortir en silence derrière Sirius. » - Harry Potter et la Coupe de Feu (Chapitre 36, « À la Croisée des Chemins »).

De toutes les missions que Dumbledore assigne au cours de ce chapitre, c’est la seule pour laquelle il manifeste une inquiétude ouverte. Non seulement, il faut que la situation soit grave pour inquiéter Dumbledore mais Rogue n’hésite pas une seule seconde avant d’accepter d’être renvoyé auprès d’un Voldemort qu’il devra manipuler en risquant sa vie chaque seconde.

« -Je préfère ne pas mettre tous mes secrets dans le même panier, surtout dans un panier qui passe autant de temps accroché au bras de Lord Voldemort.

-Ce que je fais sur votre ordre !
-
Et vous le faites très bien. Ne croyez pas que je sous-estime le danger permanent dans lequel vous vous placez, Severus. Transmettre à Voldemort des renseignements précieux en lui cachant l’essentiel est un travail que je ne confierais à personne d’autre que vous. » - Harry Potter et les Reliques de la Mort (Chapitre 33, « Le Récit du Prince »).

C’est juste, honorable et heureux que Dumbledore se rappelle - et rappelle au lecteur - que Rogue risque sa vie en jouant les agents doubles mais c’est peut-être un peu dévaluer la personnalité joyeuse et colorée de Voldemort. Je crois plutôt que mourir aurait été un sort bien enviable si Voldemort avait un jour découvert le véritable rôle joué par Severus Rogue.

VERDICT
Cet homme a donc mis de côté toute sa vie et certainement tout perspective de bonheur relatif, il a toujours été répondu présent lorsqu'il s'agissait de protéger et de soigner - même des personnes qu'il détestait profondément - et un bon nombre de ces mêmes personnes ne seraient sans doute pas là grâce à lui. Cet homme s'est aussi placé dans des situations extrêmement délicates, l'obligeant à tuer quelqu'un ce qui se rapprochait le plus d'un ami et a sans doute été témoin d'horreurs auxquelles il a dû assisté sans pouvoir intervenir - et en se blâmant certainement pour cela. Cet homme a enfin risqué la mort et la torture, non seulement pour protéger tout le monde mais aussi pour faire en sorte que Voldemort soit vaincu. Pour faire en sorte que des gens qui le détestaient puissent vivre en paix et en sécurité. Et tout de même, encore, on continue de lui faire des procès parce qu'il enlève des points aux maisons qui ne sont la sienne, qu'il donne des retenues quand des élèves sont insolents (quelle cruauté franchement), parce qu'il est trop sévère ou injuste ou parce qu'il est sarcastique ou ironique ? Et il y en a encore qui ne trouvent pas ça « complètement insensé » ?
Pardon, je m'emporte un peu. C'est la fin, j'avais bien le droit ! Un petit peu.

---

Et voilà ce qui conclue les huit chapitres de ce Procès de Rogue. J'ai commencé les recherches pour cette série d'articles il y a un peu plus de deux mois et, honnêtement, je ne pensais pas en apprendre encore autant sur une oeuvre que j'ai déjà l'impression de connaître par coeur depuis si longtemps. Merci à toutes celles et ceux qui ont réagi, ont laissé des messages ici ou ailleurs (surtout ailleurs - parce que j'ai bien conscience que c'est plus pratique) et, globalement, à toutes celles et ceux qui ont pris autant de temps dans leur vie pour lire mes observations et mes théories fumeuses. C'était plutôt cool et peut-être que je referai même ce genre de plan pour d'autres personnages - ou d'autres oeuvres, qui sait ? Si tu as envie d'entendre parler en détails d'un personnage, d'une histoire, ou d'une relation dans une histoire, n'hésite pas à me faire part de tes suggestions :)

À très vite !

---


Si tu as des commentaires, des réactions ou des questions à partager, n'hésite surtout pas, je serais ravie de poursuivre le débat !

Les chapitres précédents sont répertoriés dans l'article d'Introduction & Sommaire.

---



Lily

vendredi 20 avril 2018

Le Procès de Rogue - CHAPITRE VII : LE DÉFAUT DU PLAN DE LA DÉFENSE, LE CAS NEVILLE LONDUBAT

Consulter les chapitres précédents  : Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V - Chapitre VI

Le Procès de Rogue

Au cours des sept années dont nous sommes témoins à travers les différents tomes de Harry Potter, il y a un deuxième élève que Severus Rogue semble traiter avec plus de mépris que les autres. Cet élève, c’est évidemment Neville Londubat. Celui-ci ne possédant pas les circonstances particulières de la relation entre Harry et Rogue sur lesquelles je suis déjà longuement revenue, le cas de Neville Londubat est un peu plus difficile à défendre pour les avocats de Severus Rogue. Mais, puisqu’on est là pour tenter de mieux comprendre, c’est ce qu’on va essayer de faire.

CE QUE DIT VRAIMENT L’ÉPOUVANTARD
La forme que prend l’épouvantard de Neville est un argument sur lequel les anti-Rogue aiment beaucoup se reposer dans la défense de leur point de vue. Selon eux, le fait qu’un adolescent dont les parents ont été torturés jusqu’à la folie par Bellatrix Lestrange ait davantage peur de Rogue que de Bellatrix prouve à quel point Rogue est mauvais. À mes yeux, l’absurdité de cet argument tient à deux aspects ignorés par les personnes précédemment citées. Il y a d’abord méprise sur ce qu’est un épouvantard et ensuite non-considération de la psychologie d’un adolescent. En troisième année, lors du premier cours du professeur Lupin, Hermione donne la définition suivante.

« C’est une créature qui change d’aspect à volonté en prenant toujours la forme la plus terrifiante possible. » - Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban (Chapitre 7, « Un Épouvantard dans la Penderie »).

Comme d’habitude avec Hermione, la définition académique est brillante d’exactitude mais, comme souvent, elle manque aussi de nuances. Les exemples donnés dans la suite du chapitre cité montrent que les formes prises par un épouvantard relèvent souvent de la phobie ou prennent en compte une notion de possibilité et de proximité plutôt que de reposer sur la rationalité. Il y a fort à parier que, si l’on donnait aux élèves de Poudlard le choix entre se retrouver face à un gros rat, un serpent à sonnette (exemples cités dans ledit chapitre) ou un Voldemort au sommet de sa puissance et en colère, beaucoup choisirait d’affronter leur phobie. Ron, bien que terrifié par les araignées depuis des années, se retrouve tout de même face à un épouvantard très semblable aux spécimens qu’il sait habiter dans la Forêt Interdite à ce moment même. La forme de l’épouvantard de Harry, si elle reposait sur la rationalité, se rapprocherait sans doute plus du cadavre de ses amis, de quelqu’un lui annonçant son renvoi de Poudlard et du monde des sorciers ou, dans l’absolu et comme c’est envisagé par lui-même et par Lupin, d’un Voldemort au sommet de sa puissance. Pourtant, son épouvantard prend la forme d’une créature qu’il vient de rencontrer, contre laquelle il ne sait pas se défendre et qu’il sait se trouver aux portes même du château à ce moment-là. La définition de l'épouvatard se rapproche donc plus de 'la forme la plus terrifiante possible à ce moment-même' ou même de ce que la cible identifie consciemment comme ce qui lui fait peur - une phobie - plutôt que ce qui serait réellement la situation la plus terrifiante possible pour elle. On peut donc difficilement recevoir la forme d’un épouvantard comme argument rationnel pour quoi que ce soit. Au moment de cette scène, Neville se retrouve plusieurs fois par semaine en présence de Rogue, un professeur qui lui fait peur et avec qui il obtient de mauvais résultats et qui, de surcroit, vient de quitter la pièce. Bellatrix Lestrange, toute terrifiante qu’elle soit, se trouve très loin, dans une cellule de la prison d’Azkaban dont il n’est jamais prévu qu’elle sorte à ce moment de l'histoire. Neville ne s’est en plus jamais retrouvé en sa présence. Il faut aussi se souvenir que Neville est, à ce moment-là, un adolescent de 13 ans. Un âge auquel une humiliation dans la cours de récréation, une mauvaise note ou une heure de cours avec un professeur sévère est souvent un sort perçu comme bien plus terrible que cela ne l'est réellement. Cela ne signifie pas que ledit professeur est une incarnation du mal, simplement qu’un adolescent manque souvent de recul et de perspective.

Rogue Neville fanart
© Art by Neizu

LA THÉORIE INTÉRESSANTE LIÉE À LA PROPHÉTIE
Le fait que je m’intéresse ici à Neville Londubat n’est pas lié au hasard. Severus Rogue a certainement dû traumatiser des quantités d’élèves sans que leur cas soit aussi intéressant - du moins pour ce qui nous concerne ici - que celui de Neville. Comme on le sait, le personnage de Harry Potter est très lié à la deuxième partie de la vie de Rogue. Et Neville, parce qu’il aurait pu être celui que désignait la prophétie, a un parcours qui évolue en parallèle de celui de Harry sans jamais vraiment le rejoindre. Sahil Juneja, un fan particulièrement pointu, s’est intéressé aux raisons de la haine que semble porter Severus Rogue à Neville Londubat et s’est appuyé sur les informations de la prophétie pour dégager une théorie. Il explique que,  parce que Neville aurait pu être l’enfant de la prophétie, il incarne, tout comme Harry, la culpabilité, la tristesse, la colère et la détestation que Rogue ressent envers lui-même. Ce cocktail d’émotions enfouies et refoulées rejaillit inconsciemment sur cet élu manqué. Si les bases de cette théories me semblent tout à fait cohérentes et recevables, j’en ai cependant fait une interprétation différente que j’explique dans le paragraphe suivant. Pour en terminer avec les réflexions de Sahil Juneja, il estime aussi que la cruauté de Rogue envers Neville s’explique par le passé de maltraité de Rogue.

"Ceux qui ont été maltraités pendant leur enfance ont tendance à maltraiter les autres plus tard. Ça montre leur puissance face aux faibles, et ils ont l’air plus forts et plus courageux", dit-il.

Là encore, pour moi, les bases sont intéressantes mais je ne suis pas complètement en accord avec l’interprétation. Mais la notion de courage chez Rogue est une thématique que j’aborderai dans le prochain (et dernier !) chapitre de cette démonstration.

NEVILLE, L’AUTRE COUPABLE
À mon sens, les sentiments de Rogue envers le lien entre Neville et la prophétie sont plus profonds et plus terribles que ne les décrive la théorie précédemment. Il me semble que si Rogue déteste autant Neville, c’est parce que, arbitrairement, il lui en veut. Neville incarne le facteur qui, en dépit de la plus grande erreur de Rogue, aurait pu sauver de Lily. Si Voldemort avait choisi Neville Londubat comme cible, l’erreur de Rogue n’aurait pas eu les conséquences dramatiques qu’elle a eu sur sa vie. Pourquoi Voldemort a-t-il « préféré » les Potter aux Londubat ? Par hasard ? Voldemort n’a jamais été homme à laisser au hasard le soin de prendre des décisions pour sa vie. Il devait avoir ses raisons (certainement liées à la puissance magique et au potentiel des enfants) et je suis persuadée que Rogue, qui a toujours estimé l’intelligence et le pouvoir détenu par Voldemort, a porté considération à ces raisons. Lorsque, dix années plus tard, Rogue voit arriver à Poudlard un garçon qui ne semble pas présenter de grands pouvoirs magiques, qui réussi à faire fondre un chaudron en préparant une simple potion contre les furoncles et qui, globalement, ne présente en rien l’envergure d’un rival ou d’un successeur au Seigneur des Ténèbres, il estime sans doute - consciemment ou non - que la médiocrité qu’il voit chez Neville - et qui lui semble supérieure à la médiocrité qu'il voit chez Harry - explique le fait que Voldemort ne l’ait pas pris pour cible. Si Neville avait été plus intelligent, plus prometteur, s’il avait manifesté de plus grands pouvoirs magiques au cours de sa première année de vie, Voldemort se serait sans doute tourné vers lui plutôt que Harry. Si Neville avait été un plus grand sorcier, Lily ne serait pas morte - c'est ainsi que j'imagine la réflexion de Rogue au sujet du fils Londubat.
Ce qui m’amène la transition parfaite vers ma réflexion suivante. Le pendant négatif de l’amour de Rogue pour la magie, le pouvoir et la connaissance, c’est son mépris pour la stupidité, l’incompétence et la médiocrité - les attributs qu’il voit en Neville. Aux yeux de Rogue, Neville ne possède pas les qualités qui font d’un homme un grand sorcier et, si on veut faire preuve d’objectivité, on peut estimer que, sous certains aspects, Rogue n’a pas totalement tort. Qu’on s’entende bien et avant que le monde entier me tombe dessus, je reconnais évidemment que Neville Londubat est un héros, un garçon respectable, courageux et droit dans ses bottes. Gloire à Neville Londubat. Mais du point de vue du sens stricte de la puissance magique, il n’a jamais fait de prouesses. On avance souvent son manque de confiance en lui pour expliquer ses difficultés mais si son manque de confiance était la seule explication, il sévirait partout. Pourtant Neville excelle en botanique. Il détruit Naguini et l’horcruxe qu’il incarne avec une épée. Et, lorsqu’il s’oppose à ses amis, il n'utilise pas sa baguette mais ses mains nues

« Et il lâcha son crapaud qui disparut sous un meuble.
-Essaye de me frapper, dit-il en levant les poings. » - Harry Potter à L’École des Sorciers (Chapitre 16, « Sous la Trappe »).

En bref, Neville est doué, compétent et il incarne un grand homme/sorcier pour la plupart des gens - uniquement lorsque ce qu’il fait ne nécessite pas de magie. Pour ce qu’on en sait, toutes les actions précédemment citées (manier une épée, être un génie en botanique, s'opposer physiquement à ses amis) et qui sont souvent les faits de gloire qu’on évoque au palmarès de Neville auraient pu être effectuées par un moldu sans que ça ne fasse la moindre différence. Lorsqu’il s’agit de pouvoirs magiques au sens strict du terme, Neville galère beaucoup - et beaucoup plus que les autres. Il ne manifeste pas le moindre pouvoir avant ses 8 ans et, de mémoire, il fait presque toujours partie des derniers à maîtriser les sortilèges enseignés par Harry avec l’Armée de Dumbledore (en dehors de la séance mentionnant le charme du Bouclier). Bien sûr, cela fait apparaître chez lui d’autres qualités telles que la persévérance, la force de travail et le courage. Mais, pour en revenir à Rogue, ce ne sont pas des qualités qu’il attribue à l'idée qu'il se fait d'un grand sorcier. Un sorcier qui doit travailler comme un acharné pour atteindre un résultat moyen ou tout au plus correct, n’intéresse pas quelqu’un qui n’a toujours eu que l’excellence comme ligne de conduite.

EN RÉSUMÉ
Pourquoi j’estime que Neville Londubat constitue le défaut dans le plan de la défense de Rogue ? Parce que le traitement particulier que le professeur réserve à son élève a des raisons qui, si elles sont identifiables, qu’elles soient vérifiées ou théoriques, sont moins excusables que la complexité de la relation qui existe entre Harry et Rogue. Ces deux derniers n’auraient sans doute jamais pu avoir une relation normale mais Neville n’aurait pas dû être traité différemment que tous les autres élèves.
Est-ce que ça modifie mon opinion à propos de Rogue ? Très peu. Parce qu'une fois de plus, cela renvoie à la manière dont doit (ou peut) être jugé un homme. Si ses mauvaises aspects annulent tout ce qu’il a accompli de bon ou si tout ce qu’il est et ce qu’il a fait doit être considéré comme un ensemble qui peut se compenser ou au moins s’équilibrer. Et, si l’on choisit cette deuxième option, le seul contenu du dernier chapitre de cette démonstration devrait être en mesure, non pas d’effacer ou d’excuser, mais de pardonner tout ce qui a été légitimement reproché (et on a vu tout au long de ces chapitres que, peut-être, les exemples ne sont pas si nombreux) à Severus Rogue.


---

Si tu as des commentaires, des réactions ou des questions à partager, n'hésite surtout pas, je serais ravie de poursuivre le débat !

Les chapitres précédents et suivants sont répertoriés dans l'article d'Introduction & Sommaire au fur et à mesure de leur publication.

---



Lily

mercredi 18 avril 2018

Le Procès de Rogue - CHAPITRE VI : SEVERUS ROGUE ÉTAIT-IL UN SI MAUVAIS PROFESSEUR ?

Consulter les chapitres précédents : Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V

Le Procès de Rogue

Pour passer à des thématiques un peu moins dramatiques mais qui animent souvent les procès dressés contre Rogue, je me suis penchée sur sa personnalité d’enseignant.
J.K. Rowling a révélé l’avoir vaguement basé sur un prof de physique-chimie qu’elle avait détesté. Le personnage de professeur de Rogue est donc littéralement construit pour incarner le cauchemar du collégien. Le lecteur a souvent découvert Severus Rogue alors qu’il était lui-même collégien, ou si ce n’est pas le cas, a toutes les chances d’avoir connu au cours de sa scolarité, un enseignant qu’il a craint et/ou qui a ressemblé, d’une manière ou d’une autre, au maître des potions. Au tout début du premier chapitre de cette très longue démonstration, je rappelais qu’il ne fallait pas oublier qu’on découvrait Rogue à travers le regard quasi-exclusif de Harry et que le portrait dressé du personnage par une simple lecture des romans s’en trouvait nécessairement erroné ou du moins, orienté. Je pense qu’il est nécessaire de le re-préciser avant d’essayer de comprendre qui il est en tant que professeur. Le point de vue sur la qualité de son enseignement dont on dispose en plus grande qualité provient d’élèves et particulièrement d’élèves de Gryffondor. Là encore, il aurait été pertinent de connaître le point de vue d’autres personnages sur le sujet, comme des élèves de Serdaigle ou de Poufsouffle (ou même de Serpentard, soyons fous), des adultes, d’autres professeurs ou même de Dumbledore lui-même.
Je ne crois pas pouvoir prouver et convaincre que Severus Rogue soit un bon professeur. D’une part, parce que je ne suis personnellement pas certaine que ce soit vrai, d’autres parts parce qu’un bon professeur ne l'est jamais pour tout le monde. Certains attendront ou auront besoin de la sympathie, d’autres d'une connaissance et d'une maitrise pointues, d’autres de la sévérité et de l’exigence… Et les définitions du bon professeur sont ainsi trop nombreuses. Mais je peux au moins essayer de te convaincre qu’il n’est pas si mauvais.

LE PROFESSEUR QUI NE VOULAIT PAS ENSEIGNER
Être un bon pédagogue, c’est comme être quelqu’un de sympathique : ça ne semble facile qu’à ceux pour qui c’est inné. Il ne me semble pas absurde de considérer que Severus Rogue n’a jamais eu la vocation d’enseigner. Il aspirait à faire de la grande magie, à devenir puissant et je suis quasiment sûre qu’il n’a jamais rêver d’apprendre à des enfants de 11 ans à faire une potion contre les furoncles qu’il pourrait lui-même préparer dans le coma, sous endoloris et avec une main attachée dans le dos. De ce qu'on sait, Rogue postule à un poste d'enseignant à Poudlard d'abord sous ordre de Voldemort pour espionner Dumbledore, puis pour rester sous la protection de ce dernier après avoir été innocenté puis en tant qu'espion à nouveau, mais cette fois avec un rôle d'agent-double. Il se retrouve obliger d'assurer un métier qui nécessite passion et vocation pour être effectué correctement et lui ne possède aucune de ces deux qualités. C'est toujours sous la contrainte qu'il assure ses cours - et même pas ceux de sa matière de prédilection.

LES ADOLESCENTS FACE AU SARCASME
Je reviens un peu plus précisément sur cette histoire de prisme à travers lequel on perçoit Rogue. Je me suis bien rendue compte qu’en ce moment, la tendance allait plutôt à la défense de la gentillesse et la bienveillance, mais, entre nous, je trouve que c’est au mieux naïf et chiant, au pire, un peu dangereux.
Qu'on soit d'accord : être gentil et faire le bien, c’est cool et on devrait le faire plus souvent. Croire que cela suffit pour survivre et que les enfants et les adolescents n’ont besoin que d’entendre cela, c’est inquiétant. Vivre une vie entière sans rencontrer de difficultés ni de personnes qui ne nous feront pas de cadeaux, ce n’est pas possible. C’est un peu comme l’enseignement d’Ombrage finalement. En refusant de leur enseigner la pratique, elle ne les prépare pas à la réalité du monde extérieur. Si je n’entoure des adolescents que de gentillesse et de bienveillance, je ne les prépare pas à la réalité du monde extérieur, du monde du travail, etc. Évidemment, on peut souhaiter que cette réalité soit différente, on peut oeuvrer pour qu’elle le soit, mais en attendant c’est une réalité qui existe et qu’il serait inconscient d’ignorer.
Une fois de plus, qu'on soit bien d'accord, je ne dis pas que si Rogue traite aussi durement, sévèrement et parfois injustement ses élèves, ce n’est pas pour leur rendre service et par bonté d’âme. Ce que je suis en train d’expliquer, c’est que la plupart de ce qu’il fait ou de ce qu’il dit est sans graves conséquences. On l’accuse de retirer des points injustement quand… perdre des points n’a réellement aucune conséquence. Bien sûr, et pour l’avoir expérimenté, quand on appartient à une maison et une équipe comme c’est le cas de tous les élèves de Poudlard, les points deviennent importants, parce qu’on se prête au jeu de la compétition et qu’on a envie de gagner. Mais, dans le cadre de Poudlard et de sa coupe des quatre maisons, gagner n’apporte ni privilège, ni meilleure éducation, ni rien du tout, alors perdre n’a aucune conséquence. On peut s’intéresser au rôle que ces gratifications ont sur la confiance en soi mais, de mon point de vue, une confiance en soi qui vient des autres est… oxymoriale et n’a donc qu’un intérêt illusoire. On accuse aussi Rogue d'avoir l'heure de colle un peu facile mais je serais curieuse de savoir combien d'heures de retenue qui n'ait pas été justifiée par un comportement inadéquat il a réellement données. Bien peu, si tu veux mon avis.
Pour en revenir à Severus Rogue, certaines de ses réflexions - comme l’épisode du sortilège de Malefoy VS les dents de Hermione rappelé dans un chapitre précédente - relèvent de la pure méchanceté et n’auraient rien à faire dans la bouche d’un enseignant dans l’exercice de ses fonctions. Je ne les ai pas compté mais les interventions de cette nature ne sont pas si nombreuses. Dans l’ensemble, les interventions de Rogue relèvent plus de l’ironie et du sarcasme, qui, si elles n’étaient pas reçues par les oreilles d’adolescents de 15 ans susceptibles, seraient même… drôles.



« -C'est gentil à vous de venir nous voir, Potter. Dommage que vous jugiez les robes de l'école indignes de votre élégance naturelle. » - Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (Chapitre 8, « La Victoire de Rogue »)

Alors oui, le sarcasme et l’ironie ne sont, par définition, pas des manifestations de la gentillesse et de la bienveillance. Mais tu sais quoi ? Ce n’est pas pour autant que j’ai envie de les condamner, d’encourager des jugements qui les condamnent ou de condamner celles et ceux qui la pratiquent. Parce que je n’ai pas l’intention de me condamner moi-même, pour commencer.

Rogue Fanart
© Art by Jaz. ? - Je n'ai pas trouvé de lien, désolée !


LE MAÎTRE DES POTIONS & L’OBLIGATION D’EXIGENCE
S’est-on déjà demandé si Severus Rogue, en tant que professeur de potions, avait raison d’être aussi sévère, intransigeant et de n’exiger que l’excellence de la part de ses élèves ? Observons un instant les autres matières enseignées à Poudlard. L’arithmancie, l’astronomie, l’étude des moldus, l’études des runes et l’histoire de la magie sont toutes des matières plutôt théoriques qui ne présentent aucun danger. La défense contre les forces du mal, la métamorphose et les sortilèges ont une dangerosité relatives au pouvoirs des sorciers qui les exercent : rater un sort ou en utiliser un dangereux, ne présentent pas beaucoup de risques dans le cadre des premières années comme l’explique Ron :

« Mais on ne meurt que dans les vrais duels, avec des vrais sorciers. Tout ce que vous arriverez à faire Malefoy et toi, c’est à vous envoyer des étincelles. Vous ne vous y connaissez pas suffisamment en magie pour vous faire du mal. » - Harry Potter à l’École des Sorciers (Chapitre 9, « Duel à Minuit »).

… et comme le re-précise Maugrey-Croupton :

« Avada Kedavra est un maléfice qui exige une grande puissance magique. Si vous sortiez tous vos baguettes à cet instant et que vous les pointiez sur moi en prononçant la formule, je ne sais même pas si vous arriveriez à me faire saigner du nez. » - Harry Potter et la Coupe de Feu (Chapitre 14, « Les Sortilèges Impardonnables »).

En bref, une erreur, un manque de sérieux ou de rigueur dans une classe qui semble à première vue aussi dangereuse qu’un cours de Défense Contre les Forces du Mal sur les sortilèges impardonnables n’aura à priori aucune conséquence dramatique. Observons maintenant ce qu’il se passe lors du premier cours de potions de la première année, autant dire, le b.a-ba du sujet. Les élèves ont pour consigne de préparer quelque chose qui semble tout à fait inoffensif : une potion destinée à soigner les furoncles. Neville Londubat fait une erreur qui apparaît à priori minime puisqu’il ajoute des épines de porc-épiques avant de retirer son chaudron du feu, au lieu d’après. En plus des furoncles qui poussent sur les bras, les jambes et le nez de Neville, voici ce qu’il se passe :

« Neville Londubat s’était débrouillé pour faire fondre le chaudron de Seamus et leur potion se répandait sur le carrelage en rongeant les chaussures des élèves. » - Harry Potter à L’École des Sorciers (Chapitre 8, « Le Maître des Potions »).

Ce qui m'amène à la comparaison suivante. Un sortilège de mort lancé par toute une classe de quatrième année = au pire, cela fait saigner du nez. Une petite erreur dans la préparation d’une potion basique de niveau première année = la potion se transforme en une sorte d’acide corrosif qui fait fondre un chaudron en étain (modèle standard, taille 2) et ronge les pieds des élèves. Certains accusent Rogue d’une trop grande sévérité, je dis que c’est plutôt un homme avisé qui a raison de ne pas laisser faire n’importe quoi à ses élèves.

Lors de la cinquième année de Harry, Rogue commence son premier cours par parler des BUSEs qui auront lieu à la fin de l’année.

« Je vous conseille de consacrer tous vos efforts à maintenir le haut niveau que j’attends de mes élèves en année de BUSE. » - Harry Potter et L’Ordre du Phénix, (Chapitre 12, « Le Professeur Ombrage »).

Si Rogue n’est pas le plus généreux en compliments, cela ne l’empêche pas d’avoir beaucoup d’attentes envers ses élèves. Il estime donc qu’ils sont capables de réussir. Quelque part, il me fait penser à la manière dont Gregory House, dans la série « Dr. House » agit avec ses équipes successives. Il les pousse à bout, il teste leurs limites et il est intransigeant parce que les conséquences peuvent être fatales mais obtient le meilleur des personnes qu’il a devant lui. Je crois qu’aucun des médecins ayant collaboré avec House au fil des saisons n’a jamais estimé qu’il soit un mauvais professeur. Un sale con, sans aucun doute, mais un mauvais professeur, jamais.
D’autant que leur enseignement, à House comme à Rogue, apporte des résultats plutôt bons, dont de plusieurs indices nous sont distillés au fil des tomes - pour Rogue, pas pour House, évidemment. Dolores Ombrage, lors de son inspection, estime la classe de rogue « très avancée par rapport au niveau habituel ». On peut, bien entendu, remettre en cause le jugement d’un tel professeur mais on peut au moins estimer, 1) qu’elle se base sur un programme « officiel » 2) qu’elle n’aurait pas hésité à démonter l’enseignement d’un professeur proche de Dumbledore si elle en avait eu l’occasion.
Durant ce même début d’année, on s’est sans doute tous insurgés de l’ "injustice" dont faisait preuve Rogue quand il faisait disparaître les potions de Harry en lui collant des zéros. On oublie la conséquence que cette sévérité à sur le comportement de Harry et qui devrait être l’objectif de tous les professeurs : pousser les élèves à être plus attentifs et à obtenir de meilleurs résultats.
Voyons plutôt ce qu'il se passe. Semaine 1 : Harry ne lit pas correctement des instructions notées au tableau et rate son philtre de Paix. Semaine 2… 

« Décidé à ne pas donner à Rogue un prétexte pour lui faire rater sa potion du jour, Harry lut et relut ligne à ligne les instructions inscrites au tableau avant de les mettre en pratique. Sa solution de Force n’avait certes pas la couleur turquoise de celle d’Hermione mais au moins, elle était bleue ». - Harry Potter et L’Ordre du Phénix (Chapitre 15, « La Grande Inquisitrice de Poudlard »).

Grâce à l’injustice de Rogue, Harry a retenue son erreur et gagné en rigueur. La même chose se serait-elle passée si Rogue s’était contenté de lui donner une note passable ? Encore une fois, je ne suis pas en train de prétendre que Rogue traite Harry avec injustice pour lui rendre service, puisque ce n’est pas le cas. Ce qui se vérifie en revanche, c’est que son enseignement n’est pas si mauvais, ne serait-ce que parce qu’il ne donne pas de mauvais résultats. Il en donne même de plutôt bons, si on observe les résultats aux épreuves des BUSEs des élèves de l’année de Harry. Hermione, sans surprise, a obtenu un Optimal. Harry, qui n’a jamais étudié les potions dans de bonnes conditions avant sa sixième année, a tout de même obtenu un Effort Exceptionnel et Ron aussi, qui n’est pourtant pas connu pour sa nuance et sa subtilité, qualités toujours utiles à un bon préparateur de potions. Si on observe la composition de la classe présente au premier cours du professeur Slughorn, on remarque que seuls Harry et Ron n’ont pas leur manuel et leurs affaires de potions et donc qu’ils sont sans doute les seuls présents à n’avoir pas envisagé de poursuivre l’étude de cette matière. On peut en déduire que tous les élèves présents le sont sous les conditions du professeur Rogue, à savoir, qu’ils ont obtenu un Optimal à leur BUSE de potions, soit dix élèves de l’année de Harry. À cela deux explications : soit la mention « optimale » aux BUSEs n’est pas si difficile à obtenir, soit l’enseignement de Rogue porte ses fruits. Étant donné qu’on n’a peu d’informations sur les différents résultats des élèves dans les autres matières, c’est un peu compliqué de comparer mais si on prend en compte que Hermione Granger elle-même n’a pas de mention optimale en Défense Contre les Forces du Mal, on peut admettre qu’obtenir la meilleure note à ces examens n’est pas un but si facile à atteindre... et donc que Rogue n'a pas fait un si mauvais travail que ça avec sa bande de cornichons.


---

Si tu as des commentaires, des réactions ou des questions à partager, n'hésite surtout pas, je serais ravie de poursuivre le débat !

Les chapitres précédents et suivants seront répertoriés dans l'article d'Introduction & Sommaire au fur et à mesure de leur publication.

---



Lily