mercredi 11 avril 2018

Le Procès de Rogue - CHAPITRE III : SEVERUS ROGUE & ALBUS DUMBLEDORE : OU COMMENT ROGUE A-T-IL ÉTÉ CONTRAINT DE PORTER LA CULPABILITÉ DE L’ASSASSINAT DE SON SEUL AMI (POUR LA DEUXIÈME FOIS)

Consulter les chapitres précédents : Chapitre I - Chapitre II

Le Procès de Rogue

En apprendre un peu plus sur la relation qui unissait deux des directeurs de Poudlard a sans doute été l’une des découvertes les plus intéressantes de ces recherches que j’ai menées sur le personnage de Severus Rogue. Je ne m’étais jamais intéressée à cette relation alors qu’elle donne de précieux indices sur la personne qu’a été le maître des potions.
Je crois que Rogue éprouvait pour Dumbledore une admiration et une fascination similaires à celles qu’il éprouvait pour Voldemort. Tous les deux étaient des sorciers d’une grande puissance et dont la magie était extraordinaire - des qualités qui ont toujours beaucoup parlé à Rogue.

« Dumbledore est un sorcier aux pouvoirs extrêmement puissants, marmonna Rogue. Lui ne craint peut-être pas de l’appeler par son nom… mais nous… » - Harry Potter et L’Ordre du Phénix (Chapitre 24, « Occlumancie »)

« Dumbledore a été un très grand sorcier - oui, oui, c’est vrai (car Bellatrix avait eu une exclamation dédaigneuse), le Seigneur des Ténèbres le reconnait lui-même. » - Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (Chapitre 2, « L'Impasse du Tisseur »)

CELUI QUI SAVAIT
Suite à l’assassinat de Lily et James Potter et au changement de camp de Rogue, Dumbledore devient la seule personne à connaître la vérité à son sujet et à lui faire confiance. Si l’information n’est pas un scoop et qu’elle est connue par toutes les personnes ayant lu les livres, il est nécessaire de bien comprendre ce qu’elle implique. Si Dumbledore est le seul à le connaître et à lui faire confiance cela signifie que personne d’autre ne le connaît véritablement ni ne lui fait confiance. Ce qui une perspective plutôt terrifiante pour la plupart des êtres humains.

De 1981 à 1994 (globalement, depuis les 1 an de Harry jusqu’au retour de Voldemort), ses anciens « amis » et partisans de Voldemort pensent qu’il les a laissés tomber et s’est allié au camp de Dumbledore. Dans le même temps, le camp de Dumbledore peine à lui faire confiance à cause de son passé et malgré les certitudes d’Albus. Conséquence : Rogue est seul.
De 1994 à 1997, en dehors de Dumbledore et de Voldemort eux-même, personne ne lui fait réellement confiance : les Mangemorts parce qu’il a passé trop de temps auprès de Dumbledore, l’Ordre et ses adhérents pour les mêmes raisons que précédemment. Conséquence : Rogue est seul.
De 1997 à 1998, après la mort de Dumbledore, l’intégralité du camp auquel il appartient réellement  pense que c’est un traître de la pire espèce et un assassin. En tant que nouveau directeur de Poudlard, il est en plus obligé de passer la majorité son temps avec un corps professoral qui n’est quasiment composé que d’alliés de Dumbledore qui lui sont désormais hostiles. Conséquence : Rogue est seul - en dehors des Carrow, ce qui n'a rien de spécialement réjouissant.

Dumbledore, de son côté et puisqu’il était le seul à connaître les bons côtés de Rogue, a été le seul à le considérer tel qu’il était réellement - avec ses qualités et ses défauts. Prétendre qu’Albus a toujours été d’une bonté et d’une clémence inconditionnelles envers Rogue ne serait sans doute pas correct. Il a été juste avec lui, a fait en sorte qu’il n’oublie jamais les erreurs de son passé et les leçons qu’il en a tirées. Il a exigé beaucoup de lui, au moins autant qu’il a exigé de Harry - même si c’était souvent à l’insu de ce dernier. Il y a cependant quelque chose que Dumbledore a toujours fait pour Rogue : protéger son secret. Il a eu de nombreuses occasions de révéler à un Harry curieux les raisons de la confiance qu’il accordait à Rogue. On peut même imaginer que savoir qu’il pouvait trouver en Rogue un allié aurait facilité le combat que Harry a mené contre Voldemort et aurait, si on regarde bien, pu sauver Sirius. Dumbledore n’a pourtant jamais rien dit (alors qu’on parle tout de même de Harry Potter, l’élève qui garantit à Gryffondor la victoire, simplement parce qu’il existe), ce qui me fait dire qu’au-delà de la confiance que Dumbledore accordait à Rogue en tant qu’allié, c’était également un homme qu’il devait, d’une certaine façon, aussi respecter.
Ce que j’essaye de mettre en valeur ici, c’est le fait que Severus Rogue a toujours été un homme extrêmement seul (à part entre 9 et 16 ans, période bénie pendant laquelle Lily a consenti à être son amie) en dehors de la présence d’Albus Dumbledore. Et si tu estimes que Rogue était un homme froid, et qu’il ne devait pas accorder plus d’importance à la confiance de Dumbledore qu'au reste, je t’invite à relire le passage suivant :

« Il se trouve que Dumbledore me fait confiance, dit Rogue les dents serrées. Je refuse de croire qu’il vous ait donné l’ordre de fouiller mon bureau ! » - Harry Potter et la Coupe de Feu (Chapitre 25, « L’Oeuf et L’Oeil »)

Le maître des potions perdant rarement son calme, il est intéressant de voir comment il est affecté par l’accusation de Maugrey-Croupton.

SACRIFICE
Pour poursuivre dans l’exploration de la relation qu’ont entretenue Rogue et Dumbledore, il est évidemment pertinent de s’intéresser à la mort de ce dernier et aux circonstances dans lesquelles celle-ci est survenue. J’ai récemment vu une anti-Rogue utiliser l’argument que, en tant que Mangemort, Rogue avait certainement dû tuer des individus. Cette croyance doit être partagée par plus d’un(e) Potterhead, ce qui prouve que le personnage de Rogue est encore grandement mal connu, et donc mal compris... Parce que cette croyance est fausse. Ce qui prouve aussi que le travail que je fournis depuis X semaines pour écrire ces articles n’est pas complètement superflu, ce qui fait toujours plaisir.
Pourquoi peut-on penser que Rogue n’a jamais directement tué personne (en dehors de Dumbledore) ? Tout d’abord parce que, quelque soit le camp auquel il appartienne - ou prétende appartenir - Rogue est toujours présenté comme un espion. Et, comme chacun le sait, un espion ne tue pas, parce que tuer quelqu’un aurait un tout petit peu tendance à bousiller sa couverture d’espion. S’il est logique et raisonné, ce n’est pas le seul argument sur lequel je m’appuie pour prouver que Rogue n’a jamais tué personne qui ne l’est pas expressément requis au préalable. Avant la sortie des Reliques de la Mort, certains Potterheads attentifs avaient déjà relevé plusieurs indices indiquant que Rogue ne tuait pas Dumbledore de gaieté de coeur, et donc qu’il n’était pas si mauvais que ne le laissait transparaître le récit du Prince de Sang-Mêlé. Lorsque Rogue scelle le Serment Inviolable avec Narcissa Malefoy, Dumbledore lui a déjà demandé de le tuer lui-même, requête que Rogue a acceptée. Pourtant, lorsqu’il doit jurer qu’il accomplira la mission incombée à Drago si celui-ci venait à échouer, sa main « tressaille » et il y a « un instant de silence » avant qu’il ne donne sa réponse. Au moment même de la mort de Dumbledore, voici ce qui est dit :

« Rogue observa Dumbledore un moment, et l’on voyait la répugnance, la haine creuser les traits rudes de son visage » - Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (Chapitre 27, « La Tour Frappée par la Foudre »)

Bien sûr l’expression de son visage est interprétée par les Mangemorts comme de la haine envers Dumbledore - ce qui, en un certain sens, n’est peut-être pas complètement inexact. À ce moment-là, il est fort possible que Rogue entretienne un certain ressentiment envers Dumbledore pour l'avoir mis dans cette position. Comme je suis une personne consciencieuse (ou une Serdaigle légèrement toquée qui prend un peu trop de plaisir à faire des recherches et à apprendre des trucs), je me suis penchée sur les définitions exactes du mot « répugnance ».

Severus Rogue - Le Prince de Sang-Mêlé

Sous vos yeux ébahis, voici donc un extrait du Petit Robert, dans son édition de 1987. Comme tu peux le constater, mes sources sont d’une modernité incomparable.

« RÉPUGNANCE, nom féminin.

1. Vive sensation d’écoeurement, mouvement de recul que provoque une chose très sale ou qu’on ne peut supporter.
2. Hésitation, manque d’enthousiasme à l’égard d’une action ou d’une entreprise ; impossibilité ou difficulté psychologique à faire quelque chose. »

C’est la deuxième définition du mot qui a particulièrement retenu mon attention. Il est somme tout parfaitement logique d’estimer que Rogue ait ressenti une hésitation et un manque d’enthousiasme avant de froidement mettre fin à la vie de l’unique personne qui se rapprochait le plus du rôle d’ami pour lui et qui était le leader du camp auquel il appartient véritablement. On peut en revanche s’interroger sur cette impossibilité psychologique. Existerait-elle chez quelqu’un ayant déjà tué et ayant en plus, cette fois-ci, l’accord de sa victime ? Cela me semble peu probable mais, encore une fois, cela pourrait être le fait de tuer Dumbledore lui-même qu’il lui soit intolérable, plus que le fait de tuer un être humain. Ce qui, tu t’en doutes bien, m’amène à un troisième argument sous forme d’indice. Au moment où cet indice apparaît, Albus Dumbledore vient de demander à Severus Rogue de le tuer - quand le moment sera venu.

« -Si mourir ne vous gêne pas, lança Rogue d’un ton rude, pourquoi ne pas laisser Drago se charger de vous tuer ?

-L’âme de ce garçon n’est pas encore trop abîmée, assura Dumbledore. Je ne voudrais pas qu’elle soit ravagée à cause de moi.
-Et mon âme à moi, Dumbledore ? La mienne ?
-Vous seul pouvez savoir si le fait d’aider un vieil homme à échapper à la douleur et à l’humiliation affectera votre âme, répondit-il ». - Harry Potter et Les Reliques de la Mort (Chapitre 33, « Le Récit du Prince »).

Déjà, il est important de souligner que Severus Rogue se préoccupe de son âme. Entre nous, ce n’est pas rien. Ensuite, il est évident qu’il s’interroge sur les effets que pourrait avoir un meurtre sur celle-ci. Même si c’est pour mettre en évidence le fait que Dumbledore préfère sacrifier celle de Rogue plutôt que celle de Drago, cela signifie au moins qu’il reste quelque chose à sacrifier. Si un meurtre « ravage » une âme, il semblerait que celle de Rogue ne le soit pas encore. Enfin, si Rogue avait déjà tué qui que ce soit - de manière directe - il y a fort à parier que la réponse de Dumbledore aurait été différente. Il lui aurait sans doute subtilement rappeler que ce ne sera pas la première fois qu’il tuera - simplement la première fois qu’il le fera avec l’accord de sa victime. Là où Dumbledore se trompe, c’est lorsqu’il estime que ça n’affectera pas Rogue. Lancer ce Avada Kedavra sur Dumbledore a laissé des traces profondes chez Rogue. D’abord parce qu’il s’est ainsi privé de la seule personne qui le connaissait véritablement, et qui connaissait son amour pour Lily.

[Voldemort parlant de la manière dont il a récupéré la Baguette de Sureau.] 
« -Je l’ai prise dans la tombe d’Albus Dumbledore.
Rogue s’était maintenant tourné vers Voldemort, et son visage ressemblait à un masque mortuaire. Il était blanc comme du marbre et ses traits avaient une telle immobilité que lorsqu’il parla à nouveau, ce fut comme un choc de voir que quelqu’un vivait encore derrière ces yeux vides. » - Harry Potter et les Reliques de La Mort (Chapitre 32, « La Baguette de Sureau »).

Mais surtout parce que c’est l’acte qui l’a complètement et définitivement isolé du camp auquel il appartient véritablement. Camp qui, en plus de penser qu’il a été un agent double au service de Voldemort, le considérait maintenant presqu’autant en horreur que le Seigneur des Ténèbres lui-même, puisqu’il était l’assassin de leur leader. Évidemment, comme Rogue n’est pas une personne des plus amicales, on a du mal à imaginer que cela le touche beaucoup. Mais ayant souffert de la solitude toute sa vie, cela a sans doute dû l'affecter plus qu'on ne le pense. Et on peut au moins imaginer qu’il estimait le professeur McGonagall. D'abord parce que c'est une sorcière puissante et sévère mais surtout par le soulagement relatif qui transparaît de cette réaction : 

« Professeur McGonagall ! lança Rogue qui s’avança aussitôt vers elle. Vous voilà enfin sortie de Ste Mangouste ! » - Harry Potter et l’Ordre du Phénix (Chapitre 38, « La Deuxième Guerre Commence »).

…ce qui équivaut pratiquement à une déclaration d’amour dans la bouche de Severus.

Snape McGonagall fanart ehay
© Art by ehay


QUE RETENIR DE TOUT ÇA ? 
D'abord, que Rogue n'a jamais tué personne, contrairement à ce qu'on peut vouloir croire. Au pire, il a euthanasié Dumbledore, ce qui est loin d'être un acte de cruauté. D'autant qu'il ne l'a pas fait pour son bénéfice personnel mais autant pour préserver l'âme d'un adolescent que pour continuer à protéger le monde des sorciers, même à l'insu de ce dernier. La protection de Harry qui en résultait peut en revanche s'apparenter à un bénéfice personnel.
Ensuite, qu'en mettant un terme à la vie de Dumbledore, il s'est amputé de son seul ami et s'est définitivement coupé du camp qui était le sien. Un camp où il était, rappelons-le, en sécurité, contrairement à ce qu'il risque à chaque minute passée auprès de Voldemort.
Enfin, qu'il n'a jamais pu s'expliquer de son vivant. En fait, la seule personne qui pouvait faire en sorte que son nom soit blanchi et que ses actions soient considérées dans leur véritable nature, c'est la personne à qui il a transmis ses souvenirs. Et cette personne, c'est Harry Potter.
Tu parles d'une tragédie.

---

Si tu as des commentaires, des réactions ou des questions à partager, n'hésite surtout pas, je serais ravie de poursuivre le débat !

Les chapitres précédents et suivants seront répertoriés dans l'article d'Introduction & Sommaire au fur et à mesure de leur publication.

---



Lily

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire