dimanche 27 mars 2016

Aristote et Dante valent-ils le succès octroyé par la blogo?

Je parle évidemment de ceux qui découvrent les secrets de l'univers chez Pocket Jeunesse et non pas de ses amateurs de philosophes ;-)

Pour répondre à la question du titre : oui et non. Pour le développement, ça va être un peu plus long.

Mais commençons par le commencement.

Habituellement, j'évite la littérature jeunesse. Dans 9 cas sur 10, j'ai l'impression que les livres de ce genre prennent leurs lecteurs pour des jambons. Je ne suis pas bien vieille mais je n'ai pas souvenirs d'avoir été aussi cruche que les héros de ces romans lorsque j'avais leur âge. Mais ce n'est pas vraiment le sujet. Le sujet, c'est que je n'aurais à priori jamais dû mettre le nez dans Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers. Sauf que. Du propos, je savais uniquement qu'il racontait l'histoire de deux mecs plutôt seuls qui allaient devenir amis. Ça n'avait rien de transcendant, ça pouvait même sembler un peu léger pour la plupart des gens mais le problème est que le résumé aurait tout aussi bien pu décrire le roman que je suis en train d'écrire (depuis 3 ans). Du coup j'étais colère et surtout, je voulais en avoir le coeur net, savoir si j'étais en train d'écrire un livre qui existait déjà. Pour éviter tout suspense inutile, ça n'est pas le cas. Mais c'est comme ça que je me suis retrouvée à lire ce roman.

Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers - Benjamin Alire Sáenz

Je me demande comment font les gens qui parviennent à dire s'ils ont aimé ou non chaque lecture. Je passe rarement de mauvais moment en lisant, mais ce n'est pas pour autant que je trouve tous les livres géniaux. Entre les deux, il y a un tas de bouquins qui évoluent sans label ni catégorie. Je vais donc laisser au maximum ma subjectivité de côté pour aller au plus efficace.



Aristote et Dante valent-ils le succès octroyé par la blogo ? Non.
Sont-ils pour autant nécessaires au genre de la littérature de jeunesse ? Oui.
Explications.

SPOILER ALERT ! : Dans mon développement, j'évoque pas mal de choses qui interviennent dans le bouquin, y compris à la fin. Si vous n'avez pas lu le livre et si vous tenez à vous préserver des spoilers, il y a un petit "En bref" en fin d'article qui vous permet d'avoir un aperçu de mon avis en toute sécurité.


POURQUOI ARISTOTE ET DANTE DEVAIENT-ILS EXISTER ?

Le choix judicieux du contexte. L'histoire se déroule à El Paso, à la frontière mexicaine des États-Unis, en 1987. Une trentaine d'année séparent leur présent du nôtre et permet d'autant apprécier les évolutions de notre société que les choses qui sont finalement restées rigoureusement les mêmes. Je pense notamment aux ados qui vont lire ce livre aujourd'hui ou demain et qui pourront comprendre que les questions que l'on se pose tous encore aujourd'hui ne datent pas d'hier mais qu'on les met sur la table depuis très longtemps déjà. J'ai d'ailleurs l'impression que les auteurs qui publient des romans jeunesse aujourd'hui ont majoritairement été ados dans les années 80. Je pense notamment à Eleanor & Park qui se passe en 1986 si je ne dis pas de bêtises et il me semble que The Perks of Being a Wallflower se déroule aussi dans les années 80, bien que sa publication soit un peu plus ancienne. Je me demande du coup à quoi ressembleront les récits d'ados des générations suivantes. 

La question de l'identité, de l'appartenance à une nation. C'est principalement à ça que je faisais référence dans le point précédent. À notre époque ou la question identitaire a animé et anime encore tous les débats, il est important de comprendre ce que vivent ces gens qui sont "entre deux". Ari et Dante sont tous les deux mexicains ou, du moins, d'origine mexicaine. À l'évidence, ils sont nés et ont toujours vécu au Texas. Les américains trouvent par exemple Dante trop mexicain pour être américain quant aux mexicains, ils le trouvent trop américain pour être mexicain. Anecdotique ? Cela complique pourtant les choses pour Dante. Quel pays est le sien? L'un, l'autre, les deux ou aucun des deux ? Rappelons que 30 ans plus tard, on est toujours au même point.

La sexualité. Je mettrais une alerte spoiler quelque part dans cet article même si j'avais deviné cet aspect de l'histoire dès la page de dédicace. Alors que l'a dit Benjamin Alire Sáenz, au nom de tous "les garçons [et les filles] qui ont du apprendre à jouer avec des règles différentes", je me dois de me réjouir de l'existence de ce livre.

Dante. Dante est un personnage adolescent, ça ne l'empêche pas d'être heureux, gentil, reconnaissant, posé et réfléchi et je pense que ça mérite un prix, une médaille ou quelque chose comme ça. Franchement, si vous en connaissez d'autres ça m'intéresse parce que je l'ai trouvé très rafraichissant.

Le parti pris des dialogues. C'est parfois un peu exécuté maladroitement mais le parti pris dans l'écriture des dialogues est plutôt intéressant. Ils sont épurés, pour ne pas dire dépouillés, parce qu'il faut parfois lire entre les lignes pour comprendre ce qui dit vraiment. Le problème est que parfois, les répliques sont juste inutiles et c'est soûlant. 


Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers - Benjamin Alire Sáenz

POURQUOI ARISTOTE ET DANTE NE VALENT-ILS PAS LEUR SUCCES BLOGOSPHÉRIQUE ?


Parce que je suis une vieille conne aigrie jamais satisfaite de rien, dans un premier temps. Cette considération mis à part, Les secrets de l'Univers contiennent un peu trop de lacunes non-négligeables pour que je puisse passer dessus.


Le style. Ou la mise en page, ou la personne qui a osé ne serait-ce que penser que coller des passages à la ligne partout, tout le temps et SANS RAISON est une bonne idée. Comme quand on avait 12 ans et qu'on écrivait sur nos skyblogs. 
Je savais me battre, donc on me laissait tranquille.
J'étais plutôt invisible, ce qui me convenait.
Jusqu'à l'arrivée de Dante.
 
Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers - Benjamin Alire Sáenz  
Je vous jure que c'est exactement comme c'est dans le bouquin. Entre ça et les "chapitres" d'une demi-page qui ne raconte rien, j'ai manqué plus d'une fois de m'arracher les cheveux. Pour moi, ce n'est que du remplissage de papier gâché pour atteindre un format standard pour un jeunesse grand format. Surtout, une fois de plus, j'ai l'impression qu'on prend les ados pour des idiots, incapables de lire un bouquin qui n'a été ni aéré, ni simplifié

Le but de l'histoire. Il me semble que ça a été une erreur d'en faire une histoire d'amour romantique, et de les faire tomber amoureux l'un de l'autre. À mon sens, l'histoire aurait gagné en pureté et en puissance si l'amour-amical en avait été la finalité plutôt que l'amour-amoureux. Ce serait bien qu'on apprenne à nos jeunes qu'ils n'ont pas forcément besoin de quelqu'un et d'être en couple pour que leur histoire vaille la peine d'être racontée.

Les temps du récit. Je sais que les adolescents ont tendance à s'emballer un peu vite mais vu que l'auteur est adulte, il n'a pas d'excuse. De mon ressenti, la chronologie et le rythme du récit sont bancals. Ari et Dante sont très (trop ?) vite proche en un été, puis une année s'écoule plutôt inutilement avant que tout reprenne l'été d'après comme si le précédent s'était achevé la page d'avant. Trop vite, trop lent, trop vite. Pourquoi ne pas s'être concentré sur les étés et en avoir rajouté un ou deux ?

Aristote et à travers lui, la gestion de l'adolescence et de la sexualité. Autant de j'ai trouvé Dante très rafraichissant comme personnage adolescent, autant j'ai trouvé Aristote tristement banal. Il m'a souvent soûlée et agacée et j'ai beaucoup regretté qu'il ait été choisi comme narrateur plutôt que Dante. Au-delà de son caractère, la "révélation" de son coming-out et de son amour est quand même très maladroite, voire plutôt dangereuse. C'est bien de vouloir écrire des parents aimants et acceptables, mais quand ils se retrouvent grosso modo à te dire "bon mon coco, t'es bien mignon mais tu pourrais te rendre compte que t'es amoureux de ton meilleur pote plus vite ?", ça me gêne. Lui n'est pas prêt, la démarche ne vient pas de lui... Ce n'est pas lui rendre service en fait. 



EN BREF (ET SANS SPOILERS)
Dans Aristote et Dante découvrent les Secrets de l'Univers, il y a, au cumulé, peut-être une trentaine de pages qui m'ont marquée et touchée. Ces quelques fulgurances n'en font ni une figure d'exception de la littérature jeunesse ni un gros raté du genre. Je ne vais pas revenir sur ce que j'ai expliqué plus haut mais même si j'étais loin du coup de coeur, je suis contente que ce bouquin existe (et qu'il ouvre la voie au mien, évidemment ;-)).

ET VOUS ?
Le livre est plutôt connu alors je suis sûre qu'il y en a parmi vous qui l'ont lu et qui brûlent d'envie de me donner leur avis. Oui, oui, je le sais, vous ne pouvez rien me cacher ;-).



xoxo
Lily

5 commentaires:

  1. Je ne l'ai pas (encore) lu, je ne peux donc pas te donner mon avis (éclairé)(ou pas) mais les défauts que tu relèves sont très souvent ceux que l'on retrouvent malheureusement dans la littérature jeunesse/young adult actuellement... J'ai l'habitude d'en lire et j'aime en général beaucoup mais en toute objectivité, ces défauts sont courants et obligent le vieux lecteur (comme moi haha) à les mettre de côté si on veut vraiment passer un bon moment et je crois que certains y arrivent mieux que d'autres (après, parfois c'est tellement prégnant et abominable que ça ne passe vraiment pas !). Je ne vais pas tarder à le lire, on verra bien à ce moment-là :)

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    1. Je sais que tu as (malheureusement) raison en ce qui concerne les défauts de la littérature jeunesse, ce qui me chagrine encore plus ;-) Si TOUTE la littérature jeunesse était comme ça, je me résoudrais à arrêter de râler en me disant que ce n’est simplement pas pour moi. Mais étant donné les pépites qu’on peut trouver dans le genre, je continue :D Je pense évidemment à Harry Potter mais aussi à la saga À la Croisée des Mondes ou des septs tomes de Narnia (ou même Tara Duncan, pour citer quelque chose d’un peu moins légendaire) et je me dis que si des millions d’enfants ont été capables de lire ces oeuvres (qui sont denses et très bien écrites) et de les apprécier, c’est bien qu’on n’est pas obligé de leur coller de la bouillie simpliste et pré-mâchée pour leur faire ouvrir un bouquin. Et ce qui me rend encore plus dingue, c’est que même plus jeune, je sais que j’avais le même avis. Je n’ai plus qu’à continuer de lire des livres jeunesses en attendant de tomber par hasard sur des pépites :)
      Je suis sûre que tu passeras un bon moment à lire Ari et Dante (ça a été mon cas, malgré des yeux levés au ciel un peu trop régulièrement). C’est un chouette roman jeunesse malgré tout. Si tu le chroniques quelque part ou si t’as envie de revenir partager ton avis ici, n’hésites pas :) Je suis curieuse de savoir ce que tu vas en penser.

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    2. Ah oui bien sûr, je me suis mal exprimée ! Toute la littérature jeunesse n'est pas comme ça, il y a beaucoup de pépites, de titres qui sortent de l'ordinaire mais justement, ce n'est malheureusement pas la norme. Par contre, on peut aussi retrouver de très belles histoires qui contiennent tous les bidules que tu as cité au-dessus mais qui sont tellement chouettes qu'on (moi en tout cas) oublie plus ou moins facilement le roulement des yeux pendant la lecture (et crois-moi, litt jeunesse ou pas, je suis une spécialiste de levage d’œil au ciel ^^).

      Et pas de problème, je reviendrais te dire le fond de ma pensée :)

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    3. Pas de soucis, je vois ce que tu veux dire :) On devrait monter le Club des Leveurs d'Oeil au ciel. Je suis sûre qu'on a un bel avenir ;-)

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    4. Bonjour,
      Je ne suis absolument pas d'accord avec vous,
      en ce qui me concerne , le livre est absolument magnifique,
      L'auteur a choisi un narrateur interne,Ari, le style, brut, laconique,colle à cet adolescent écorché. Proche du journal intime par sa forme, les ellipses naratives ne me semblent pas du tout inappropriées, nous l'avons lu, de concert, ma fille et moi, et en sommes sorties boulversées. Empathie oblige......

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