lundi 1 décembre 2014

[J’Analyse pour Toi] S. de J.J.Abrams : le roman aussi beau dehors que dedans!

Il y a des livres qui exercent une plus grande attraction que les autres sur nous, avant même de les lire. Le pari est de s’y plonger en espérant que le résultat soit à la hauteur de nos attentes. S. de J.J.Abrams et Doug Dorst était pour moi un de ces livres. Je vous en parle quasiment depuis que le blog existe et ce dimanche (lundi du coup, vu que je suis à la bourre, so sorry!) est, enfin, le jour où nous allons voir ensemble ce qu’il a réellement dans le ventre. 


S. Abrams Dorst
Une étudiante ramasse un livre égaré. A l’intérieur, une série de notes révèlent un lecteur captivé. La jeune femme annote le livre à son tour, puis le repose à l’endroit où le lecteur inconnu l’a laissé. Ainsi commence un chassé-croisé qui va entrainer les deux étudiants - Eric et Jennifer - dans une aventure inouïe. L’auteur du roman est V.M. Straka, l’écrivain le plus énigmatique du XXe siècle. Il a fasciné des milliers de personnes avant de disparaître en 1946, sans que nul n’ait jamais découvert son identité. La clé de son mystère se trouve-t-elle dans son dernier ouvrage - Le Bateau de Thésée - que les deux étudiants passent au crible? C’est l’histoire de S., (oui parce que S. est aussi le nom du personnage du roman Le Bateau de Thésée. Pour te faciliter la compréhension.), un homme qui a perdu la mémoire et se retrouve embarqué de force sur un étrange bateau à l’équipage monstrueux, avec une seule idée en tête : survivre pour trouver qui il est. Eric et Jennifer sont prêts à tous les sacrifices pour lever le voile sur cet écrivain de génie. Ils ne sont pas les seuls...


S. est un livre conceptualisé par J.J.Abrams et Doug Dorst. On parle de concept parce que cet objet est davantage que du papier relié sur lequel on a écrit une histoire. Pour te donner une idée de ce qui t’attend, Abrams a créé, scénarisé la série Lost : Les disparus. Et scénarisé Fringe. 

En bref, le mec est barré. Genre bien.

La partie écrivain/littéraire du duo est assuré par Dorst, que je ne connaissais pas du tout mais qui, après lecture, me paraît également en bonne place pour concourir au titre du mec barré.  

Peut-être que tu as entendu que S. était une fiction dans une fiction. Pour qu’il n’y ait pas de malentendus entre nous, je t’expose le schmilblick. Au premier plan : il y a un roman fictif, intitulé Le Bateau de Thésée, écrit par un auteur tout aussi fictif, V.M.Straka. Au deuxième plan, ce roman fictif a été emprunté dans une bibliothèque fictive par deux personnages fictifs qui ne se connaissent pas mais qui vont communiquer en annotant l’exemplaire dudit roman fictif. Tu suis toujours? Au cas où tu n’aurais pas tout suivi, je t’ai concocté un petit schéma explicatif :

S. Abrams Dorst explications

Tu peux dire merci, c’est tout à fait gratuit. 

Tu peux aussi me dire que ça fait trop longtemps qu’on attend pour savoir ce que ça vaut, et que je ferais bien abréger mes conneries.  

Je m’exécute. 

Première chose, ne t'attend pas à une histoire classique, que tu comprendrais du début à la fin avec une logique et un réalisme implacable. Parce que ce n’est pas franchement le cas. Elle avait plutôt tendance à me filer mal au crâne pour être tout à fait honnête avec toi.

…pourquoi tu pars?

Reste, ça peut être hyper fun d’avoir mal au crâne! Je te jure!

La réalisation n’a absolument pas à rougir du petit tapage fait autour de ce livre. Avec un concept aussi fort, l’entièreté de l’effet a toutes les chances de retomber comme un soufflé. Mais S. a tenu le choc, et est demeuré un beau gâteau tout rond, gonflé et doré !

S. Abrams Dorst

Déjà, l’objet est vraiment beau. La rigidité de la couverture rappelle les vieux livres de bibliothèque,  l’artwork est génial, aussi bien celui effectué sur le livre en lui-même que sur les documents insérés à l’intérieur. Et l’odeur me rend hystérique!

Oui, je suis en train de te parler de l’odeur d’un bouquin. Ne me dis pas que je suis la seule avec cette obsession. Je ne te croirai pas. Déjà il y a ma maman. 

Donc on est au moins deux. 

Je ne sais pas si ça a été pleinement voulu par l’éditeur ou si le choix du papier conduisait de toute façon à ce résultat, mais ça sent le vieux livre de grenier qui a vécu un tas d’aventures. Je me répète mais un contenant esthétique c’est bien, mais un contenant esthétique qui sert le contenu, c’est beaucoup mieux. Et il a vraiment beaucoup, beaucoup d’aventures cachées à l’intérieur de S. 
Justement, le contenu, parlons-en!
Les textes sont de grande qualité aussi bien pour Le Bateau de Thésée (BDT) que pour les notes manuscrites. On entend distinctement toutes les voix, ce qui n’est pas toujours facile dans un roman aussi polyphonique. 
Le BDT est écrit avec beaucoup de soin, de recherches et de précision. Les commentaires des deux personnages (Eric et Jennifer) sonnent de façon très justes, contrairement à bon nombre de dialogues de romans trop « écrits » pour pouvoir réellement être « entendus ». Pour ne rien gâcher, l’intrigue est prenante et les mystères nombreux. 

Le talent est d’autant plus présent que, deux personnages que l’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, dont on ne sait rien du tout, parviennent à exister même dans l’espace réduit que sont les marges du roman. Ils existent tellement bien qu’ils parviennent à prendre le pas sur le roman de Straka. Sans doute, principalement, parce qu'Eric et Jennifer sont plus proches de nous et il est donc plus facile de s’identifier à eux. D’autant qu’on les découvre exactement comme ils se découvrent eux-même l’un l’autre, qui rajoute à la connivence. Mais c’est un vrai tour de force de parvenir à insuffler une âme (et même deux!) par ce procédé. 

Tu sais maintenant que j’aime trouver du fond aux livres que je lis, que je repars pleinement satisfaite si j’ai en plus deux-trois questionnements philosophiques à me mettre sous la dent. Je ne râlerai pas, j’ai aussi trouvé mon bonheur de ce côté là. 

La question de l'identité guide les deux récits :
  • le BDT avec la grande question principale : qui est S.? et, par extension, qui sont tous les autres personnages qu’il ne (re)connaît pas? 
  • S en lui même puisque Jennifer et Eric en sont chacun à un stade différent de leur vie. Elle, dont l’identité reste à définir par ses choix de vie. Lui, qui se trouve obligée de questionner celle qu’il a exclusivement construite autour de l’auteur Straka et de son obsession de trouver sa véritable identité. Là tu vois, encore l’identité. Puisque je te dis qu’elle est partout. 

S. Abrams Dorst

Le « En Bref » version courte : J’ai rien compris mais c’était un livre vachement cool!

Le « En Bref » version longue : Il y a effectivement plus d’une chose que je n’ai pas vraiment compris. Mea Culpa. L’étrangeté du tout est assez déstabilisant. Mais rien ne m’ennuie plus qu’un livre prévisible, alors ce serait plutôt pour me plaire. Je recommande donc à 100%, d’abord en tant que roman, mais aussi en tant qu’expérience littéraire. A ma connaissance, le genre est bien trop peu répandu et permettrai certainement de donner un coup de jeunesse aux livres « papier ». Ce serait par exemple un vrai gâchis d’essayer de transposer S. sur tablette ou sur liseuse. Tout l'aspect ludique de fouiller entre les pages, de déchiffrer les indices, de retourner les documents dans tous les sens pour découvrir ce qu'ils renferment serait complètement tué. Je ne suis d'ailleurs pas sûre qu'il existe en version numérique.

J’espère vraiment t'avoir donné envie de te lancer, parce que je sais que beaucoup étaient septiques quant à savoir si ça valait vraiment le coup, si ce n’était pas juste de la poudre aux yeux. Franchement, pour quasiment le même prix, je possède des grands formats beaucoup moins travaillés et de bien moindre qualité, alors j’ai pas hésité une seconde. 

Si ça intéresse, ma prochaine acquisition dans la même sera très certainement La Maison des Feuilles, qui m’a l’air tout aussi mystérieux. Et si tu as des recommandations qui vont dans le même sens, je suis preneuse!

Allez, balance!

Fais pas ton radin!

Ok, je me calme. 

Bonne semaine les chéris !

Update du challenge :

TPMBouquins Challenge

TPMBouquins Challenge


Cités dans cet article :

S.
J.J. Abrams & Doug Dorst
(2013)
Michel Lafon

Marc Z. Danielewski
(2000)
Denoël

xoxo
Lily

2 commentaires:

  1. Oh la vache ! Le concept de ouf ! Et dire que jusqu'à maintenant j'en ai jamais entendu parlé. Eh ben t'sais quoi ? Je le demande à Noël et fissa. Je ne peux décidément pas passer à côté de ce machin-là !

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    1. La boulette que je suis vient de supprimer par erreur ton commentaire sur les lectures actives/passives. Du coup je te réponds là pour les deux commentaires ;-)

      Au sujet de la lecture active : "Je n’avais pas pensé au « facteur fac » mais tu as raison, ça doit jouer aussi !"

      Au sujet du commentaire ci-dessus : "C’est vrai ??? J’ai l’impression qu’on en avait parlé partout au moment de sa sortie… Mais maintenant que j’y pense, c’était peut-être surtout sur les blogs/chaines anglophones. Le contenu est vraiment très particulier, mais rien que pour la qualité et la beauté de l’objet livre, je trouve que ça vaut le coup ! J’ai hâte de voir ce que tu vas en penser (en espérant que le Père Noël respecte bien ta liste ;-))"

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