dimanche 16 août 2015

ÉTUDE DE CAS : la nouvelle, un genre littéraire particulier (J.Connolly & S.Meyer)

Dans mon parcours de lectrice, j'avais jusqu'alors bien peu croisé de nouvelles. Pas de manière délibérée, l'occasion ne s'était simplement jamais présentée. Récemment, je me suis lancée dans l'expérience avec deux ouvrages : il ne m'en fallait pas plus pour m'interroger et pour partager tout cela avec vous.
Sur le banc d'essai ce dimanche : le recueil de nouvelles d'épouvante de John Connolly Nocturnes et la nouvella issue de l'univers Twilight, L'Appel du Sang de Stephenie Meyer.

L'Appel du Sang - Stephenie Meyer

Avant de commencer : au sein même du genre, j'ai appris qu'on trouvait des distinctions selon leur
longueur, allant de l'histoire courte (short story) à celle plus proche du roman (novella) en passant par la classique nouvelle, à mi-chemin entre les deux. De fait, mes deux cobayes du jour se trouvent être des exercices d'écriture bien différents l'un de l'autre.

Nocturnes - John Connolly

Le livre de Connolly présente pas moins de 19 récits de quelques dizaines de pages chacun, exactement tels que je me représentais le genre et correspondant à la définition première de la nouvelle : une histoire ramassée pour renforcer son effet sur le lecteur, notamment par un dénouement surprenant. Un sketch littéraire en quelque sorte : de l'efficacité et une chute à la fin. Même si je n'ai toujours pas fini ma lecture à l'heure actuelle (il me reste 4 nouvelles et demie), je ne passe pas du tout un mauvais moment - le rythme de lecture est simplement différent.

Nocturnes - John Connolly

Difficile pour moi d'enchainer une centaine de pages d'un seul coup quand plusieurs histoires s'enchainent. Il est bien peu naturel pour la lectrice que je suis d'entrer et de sortir de récits différents dans un laps de temps aussi court. À noter que pour ce recueil (mon expertise dans le domaine n'est pas assez étendue pour généraliser), le schéma narratif est assez répétitif : un mystère, la révélation de l'épouvante, apparente mise à l'abri du protagoniste principal (soit de son point de vue, soit du nôtre) mais chute dévoilant que le danger rôde toujours. La surprise s'en trouve amoindrie - de même que l'efficacité. 
À picorer une à une entre deux autres lectures cependant, pourquoi pas!

L'Appel du Sang - Stephenie Meyer
Je ne m'attarde pas souvent sur les couvertures mais je trouve cette édition poche très réussie et élégante.  Encore plus jolie que le grand format.

Toute autre appréciation pour la nouvelle de Stephenie Meyer puisque toute autre démarche. Histoire dérivée de l'univers Twilight, L'Appel du Sang se rapproche du roman sans en atteindre l'aboutissement. Puisque cette nouvelle gravite en satellite autour d'une saga établie, pour quelle raison existe-t-elle par elle-même? Pour l'avoir lue dans Eclipse, nous en connaissons déjà la fin - ce qui d'autant plus handicapant pour le genre, comme évoqué en début d'article. L'objectif avancé par l'auteur - que nous apprécions Bree autant qu'elle - en est d'autant plus discutable : que pourrions-nous apprécier d'un être que l'on connaît à peine (et dont nous ne saurons jamais plus), même une fois la lecture achevée? Pour moi, ça ressemble plus à un premier jet, qu'une oeuvre terminé. En laissant l'adolescente en vie un peu plus longtemps, on aurait pu sans peine lui faire raconter cette histoire en un chapitre ou deux d'Eclipse - si on avait voulu se donner la peine. J'ai donc dû mal à saisir en quoi la publication de cette histoire est justifiée, puisque le passé de Bree n'y est pas tellement approfondi.

L'Appel du Sang - Stephenie Meyer

Si vous avez lu L'Appel du Sang, et que vous souhaitez un avis un peu plus en rapport avec l'ensemble de la saga Twilight, j'ai développé le mien dans les (milliers de) lignes suivantes. Si cela ne vous intéresse pas, ou si vous voulez éviter d'être spoiler, sautez les lignes colorées ;-).

Je ne comprends pas comment - une fois de plus - tous les bons points de départ sont télescopés par de mauvais choix.
Dans Eclipse, Bree est une sorte de reflet pour Bella, l'image du nouveau-né "monstrueux" qu'elle peut devenir, une possibilité de son futur. En découvrant une partie de son histoire, on se rend compte qu'elle serait presque aussi morale que les Cullen - si quelqu'un avait pris la peine de l'éduquer. Je m'attendais à ce qu'on essaye de me faire ressentir de l'empathie pour une créature inhumaine, quelqu'un qui n'avait rien fait pour mériter la sympathie, un être sans sentiment incapable d'éprouver quoi que ce soit sinon le désir de tuer. On se retrouve finalement avec une petite gamine à l'enfance craignos, qui est loin d'être la plus enthousiaste à la chasse et qui, avec ses petits trois mois d'immortalité, se trouve capable de tomber amoureuse de son nouveau pote vampire. 
Je me demande du coup, pourquoi ne pas avoir choisi pour narrateur le personnage avec le plus de potentiel romanesque de l'histoire? Fred Le Frappadingue évidemment. Je veux dire, pourquoi on en voit rien? Pourquoi on en fait rien? Pourquoi on le revoit jamais? Je suis colère, parce qu'il avait l'air top et qu'il va finir dans les tiroirs. 

Outre son côté pas si monstrueux, Bree est bien semblable à Bella, si bien qu'elle a du mal à s'en détacher : même initiale de prénom court, même intérêt pour la lecture, même attrait pour le mystère, même "voix" :       
Flûte! Telle était l'étape suivante de mon raisonnement logique. Une fois encore, j'ai perdu le fil de mes pensées pour céder à l'affolement.
(La concordance des temps est bizarre non?) 
C'est quelque chose que Bella pourrait penser et dont on a probablement plusieurs équivalents dans les tomes dont elle est la narratrice. Il y a bien plus de boulot fait sur le tome et la tonalité de Jacob, dont la voix est beaucoup plus contrastée, par exemple.

Peu de surprises donc, mais il était tout de même de bon ton de se demander quel regard cette nouvelle apportait sur l'oeuvre originale dont elle est tirée.
Edward a-t-il déjà mentionné l'implications des Volturi dans la machination de Victoria? C'est l'information la plus capitale de ce livre, celle qui permet de comprendre Eclipse - et Breaking Dawn - avec de meilleures perspectives. On sait maintenant qu'il est clairement au courant et il avait toutes les raisons de partager l'information, surtout au cours du quatrième tome. Ce qu'il ne fait pas (je viens de terminer ma relecture de la saga, j'ai pu vérifier à temps avant la publication de cet article). De fait, j'ai un peu l'impression que l'élément a été fabriqué et rajouté après coup - en se disant que c'était bien dans le style des Volturi. 

Même si tout le reste est plus secondaire, revenons-y tout de même! Tout cela aurait pu être pertinent dans le regard porté sur les Cullen, comment sont-ils perçus par le monde vampirique, le clan puissant qu'ils représentent, les adversaires individuels redoutables. La vision existe mais de manière plutôt ténue. Jasper notamment (bon tout le monde a compris que j'étais TeamJasper, okay.) et son tempérament guerrier, la crainte qu'il impose immédiatement, le vampire potentiellement dangereux qu'il est. 

Dernière chose (bon ok, l'une des dernières), le self-contrôle dont Bella fait preuve en tant que vampire nouveau-né. Est-ce qu'il n'apparait pas surnaturel, too much et impossible au regard du portrait explicite fait des protagonistes présentés dans cette histoire : sanguinaire et drivés par leur soif? 


...bon où sont passés nos moutons? 

BILAN ! (quoi, on n'a pas le droit de faire un bilan après deux bouquins?)
Je n'aurais jamais imaginé que le ressenti à la lecture d'une nouvelle soit si différent du roman. Jusqu'alors je n'ai aucun doute sur mes préférences : j'aime beaucoup trop le détail et la longueur du roman. Je ne suis cependant pas réfractaire au genre - bien que persuadée qu'il m'apportera son lot de frustrations à chaque fois. 

Fin d'article, tu sais qu'il est l'heure pour toi petit lecteur de me donner ton avis! Dis-moi donc si la nouvelle est un genre que tu apprécies, ou pas du tout? Pour quelles raisons? Aurais-tu des recommandations pour moi? 




xoxo
Lily

2 commentaires:

  1. Ton article est intéressant et je trouve ton questionnement justifié. Par contre, il est très imprudent de ta part de tirer une conclusion après seulement un recueil et une nouvelle.
    Pour la nouvelle de Meyer, nuls doutes pour moi qu'il s'agit d'une publication commerciale probablement demandée (exigée) par la maison d'édition pour surfer sur le succès des romans.
    Pour la lecture d'un recueil de nouvelles, il ne faut surtout pas le lire d'une traite, c'est à "picorer" comme tu le dis. L'agencement des nouvelles dans un recueil est une tâche très compliquée. Quant au sentiment de "déjà vu" il est tout à fait normal et se retrouve aussi dans les romans car chaque genre et chaque forme littéraire suit un schéma plus ou moins identique mais dont les grandes lignes se retrouvent. Tu l'as vu pour le suspense, c'est pareil pour le policier ou la romance par exemple.
    Dans les classiques, tu as les nouvelles de Maupassant comme "Bel ami", celles d'Edgar Allan Poe "Histoires extraordinaires" dans le genre qui font peur, celles de Bernard Werber dans le fantastique ou Paulo Cuelho pour le spirituel. Bref, il y en a beaucoup.
    Beaucoup d'apprenties auteurs s'essaient à la nouvelle ou au récit court. Si cela t'intéresse les site Short Edition et Ipagination sont des plateformes d'auteurs.
    J'espère que ton expérience de la nouvelle ne s'arrêtera pas là. Regarde chez d'autres auteurs et du côté des bibliothèques !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ton commentaire des plus intéressants Rose !
      Ne t’inquiète pas pour la notion de bilan, je suis loin de tirer des conclusions définitives et arrêtées après seulement deux lectures de nouvelles. C’était surtout un bilan pour l’article, et des premières réflexions que je me faisais sur le sujet. Nul doute que ces réflexions évolueront au fur et à mesure de mes lectures futures.

      Je suis d’accord avec toi en ce qui concerne la nouvelle de Meyer. Je peux aussi comprendre que la maison d’édition demande ce genre de choses. Ça reste une entreprise qui cherche le profit et la publication de titres dont les ventes sont sûres permet aussi de donner leur chance à des « petits » titres.
      Ce que je comprends moins c’est que l’auteur accepte dans ces conditions. Naïvement, on me répondra que l’argent est bonne motivation. Comme Meyer est loin d’être dans le besoin, je me dis qu’elle doit avoir de l’affection pour ce qu’elle a écrit… et quand je vois le résultat je me demande un peu pourquoi. Mais bref, ce n’est pas le plus important.

      J’ai trouvé le schéma narratif des nouvelles plus ‘’grossier’’ que dans les romans. Ça dépend de la qualité des uns et des autres évidemment, mais de part leur courte longueur sans doute, j’ai l’impression que les ficelles sont plus visibles. C’est sans doute pour cela que ça m’a interpellée.

      Merci pour tes suggestions, je ne manquerai pas d’y jeter un coup d’oeil à l’occasion :)

      Supprimer